Fusil, Calibre 30, Ml - Conclusion
EN GUISE DE CONCLUSION: D'UNE OPINION PERSONNELLE A LA SANCTION DES FAITS
L'expérience nous a appris à nous défier a priori de la valeur des "souvenirs personnels " et des " témoignages " d'anciens utilisateurs de telle ou telle arme. Bien souvent, l'esprit de passion l'emporte sur la rigueur logique et le simple bon sens ; des légendes se créent bientôt, colportées parmi les combattants, ce qui contribue à leur donner droit de cité et valeur de vérités premières. Il est ensuite bien difficile de trier le vrai du faux. Nous pourrions citer entre autres légendes : La balle du Coït jetait un homme par terre, les Stens partaient toutes seules, la carabine américaine n'avait aucune puissance d'arrêt, les Italiens avaient des fusils qui éclataient entre les mains de leurs utilisateurs, le fusil français 07-15 groupait toutes ses balles à 200 mètres dans un boîtier de montre... nous en passons et des meilleures.
Qu'il me soit cependant permis de donner ici mon opinion personnelle sur le fusil Garand en faisant appel à des souvenirs déjà lointains :
Nous nous rappelons d'un point fort encadré par deux points faibles. Le point fort étant celui du tir proprement dit : avec le souvenir d'une arme qui ne s'enrayait pas, dont le recul était très supportable si on le comparait à celui du Mauser 98 K, d'un système de hausse qui permettait un réglage du tir rapide, précis et stable (avec un fusil qu'il ne connaissait pas, un bon tireur centrait ses impacts en quatre ou cinq coups), un tir rapide, une détente impeccable. En un mot, le fusil américain M-l nous apparaissait, en 1944, comme étant, de loin, le meilleur fusil. Deux légers points faibles cependant : le chargeur vide que nous recevions invariablement dans la figure après le dernier coup de feu tiré, ce qui, après avoir eu l'arcade sourcilière fendue, nous faisait régulièrement donner un coup de doigt et fermer les yeux lors du départ de la 8e et dernière cartouche du chargeur. Enfin, une seule fois pour être précis, le levier de commande grippé qui ne put se débloquer qu'avec un vigoureux coup de talon de "rangers".
Mais les deux points faibles dont les souvenirs sont restés les mieux ancrés chez tous nos camarades sont bien : d'une part, le poids et le volume excessifs de l'arme, lourde à porter et pénible à manier ; d'autre part, la complexité des opérations de démontage et de remontage nécessaires pour pouvoir ôter la culasse et nettoyer convenablement le fusil. Quelle corvée, lorsque la fatigue se mêlant à l'énervement nous faisaient égarer cet " axe du bras d'élévateur " que l'on avait au préalable chassé avec la pointe d'une balle, et combien alors nous regrettions nos "Lee-Enfield" ou nos " MAS-36 " qui se démontaient complètement en quelques secondes et qui ne nécessitaient même aucun entretien si le temps avait fait défaut.
Les notices d'emploi spécifiaient : " Le fusil Ml doit être maintenu propre et convenablement huilé. Une négligence en ce sens peut être sanctionnée par des enrayages à un moment critique. Le fusil doit être démonté tous les soirs ".
Or, convenablement huilé signifie ni trop ni pas assez ; certaines pièces devaient recevoir une mince pellicule d'huile, d'autres devaient être sèches ; le cylindre à gaz faisait l'objet de soins particuliers et le nettoyage du canon par la bouche n'était pas des plus commode. Quant au démontage de toutes les pièces qu'il fallait placer sur une toile tendue, il était notre cauchemar à tous.
Etudier un fusil à tir sélectif à partir du "M-l":
- Pesant moins de 4 kg et ayant un canon raccourci ;
- Possédant un mécanisme simple qui puisse être démonté sur le champ de bataille ;
- Possédant une boîte chargeur d'une contenance de 20 cartouches pouvant être introduite par en dessous, à la manière du fusil anglais Lee-Enfield ou du fusil mitrailleur B.A.R.
En clair, c'était dire : le fusil " M-l " est trop long, trop lourd, trop encombrant ; son mécanisme est trop compliqué, son système de chargeur défectueux et la capacité de son magasin insuffisante. C'était en même temps reconnaître la vérité première émise dès la Guerre de Sécession par le général confédéré James Trudeau : pour les armes de cavalerie, le point qui importe le plus est la rapidité du tir. Ceux-là seuls qui n'ont pas fait la guerre en contesteront l'importance... Vérité qui prenait toute son importance avec les combats du Pacifique ou lorsqu'il s'agissait d'agir contre un ennemi en supériorité numérique locale.
Ainsi, à la fin de la guerre, un nouveau fusil était en gestation aux États-Unis. Disons pour terminer que John Garand (1886-1974) fut le premier citoyen américain à recevoir, à titre civil, la " Medal of Honor" en 1944, en reconnaissance des services rendus. Une juste récompense s'il en fut.